Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
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Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
Voici un de mes aspects, lorsque j’étais « Chef de Garde » (Commandant des Opérations de Secours), au plan opérationnel et « Officier de Garde », au plan militaire.
J’ai toujours aimé travailler avec les jeunes générations.
J’ai été formé, depuis mon entrée au BMPM à l’âge de 17 ans, par de vieux « briscards » : officiers-mariniers, officiers techniciens et officiers des équipages ; des hommes de caractère, avec leur caractère ; avec qui, il était impensable de discuter leur moindre parole. Mais nous les respections, tant pour leur grade que pour leur personnalité. Ils avaient leur propre « pédagogie », si tant est que l’on puisse l’appeler comme cela…
Je pense que, pour nombre d’entre vous, ceci évoque quelques souvenirs, non ?
J’ai essayé de conserver dans mon esprit, nos interrogations à ces moments de nos débuts dans la vie professionnelle, au sein de notre Marine.
Nos aînés avaient, chacun, une certaine manière de nous délivrer leur estime ; pour beaucoup, c'était nous pousser dans nos limites au cours des séances d’instruction et d’entraînement. Suivant notre comportement, leur façon de nous regarder dans les yeux, pour les petits « élus » que nous étions, changeait et avait une autre lueur. Ce n’est pas pour autant qu’ils nous auraient serré la main.
Je me rappelle la phrase d’un vieux chef de garde, très expérimenté et très respecté, qui m’appréciait (je ne l’ai su que bien après !), me disant, après m’avoir poussé au bout de mes limites physiques et professionnelles :
- « C’est pas mal…mais je pensais que tu pouvais faire mieux ! ».
Son tutoiement était le sacrement suprême ; les autres officiers-mariniers, qui avaient « misé » sur moi, me firent un clin d’œil discret. La reconnaissance de nos capacités professionnelles était primordiale ; certains de nos écarts aux règles militaires pouvaient être parfois un peu plus pardonnées. Pour exemple, nos rentrées un peu « exubérantes », en pleine nuit à la caserne, étaient passées sous silence.
Chaque lundi, à 14h00, nous avions une inspection de « tenue de feu » ; une pré-inspection était effectuée par le Capitaine d’Armes, Chef de Garde également, avant celle du Capitaine de Compagnie et commandant du secteur opérationnel.
Un de ces lundis reste dans mes souvenirs précis. J’étais rentré à la caserne, dans la nuit, d’une manière un peu « bruyante », dirons-nous. Au Quartier-Maître d’Aubette qui m’interpella ainsi :
- « Dis donc, jeune, d’où tu viens ? Qu’est-ce que tu as fais ? » ;
Je répondis effrontément au vieux « Chouf » :
- « J’ai fais « quiquette et variétés ! ».
A l’inspection, le Capitaine d’Armes m’inspecta de la tête aux pieds et sous toutes les coutures ; puis il me regarda droit dans les yeux et me dit, à voix très basse et inintelligible pour mes voisins :
- « J’espère que tu vas être aussi en forme que cette nuit pour les 36 heures à venir !...Pour la « quiquette » je ne peux rien pour toi…par contre, pour les variétés, j’en ai quelques unes ! ».
J’ai gardé naturellement l’empreinte morale de ces vieux gradés, persuadé que leur mode d’être pouvait, avec adaptation, aider les nouvelles mentalités et générations.
A mon tour, je reprenais le flambeau de mes aînés. Je restais à l’écoute des interrogations, notamment celles des jeunes officiers-mariniers, que je poussais, pour ceux que je jugeais les plus performants, à présenter le concours d’officier spécialisé.
Tout au long de ma carrière, ma réputation de « chat noir » ne s’était pas tarie et se vérifiait toujours. Tout frais sacré « Chef de Garde », j’embarquais à ma nouvelle compagnie. Je l’avais choisie pour son secteur opérationnel très technique et sensible.
Dans la complète tradition Marine, j’étais reçu par le capitaine de compagnie et commandant de secteur. Je le connaissais bien, lui-même issu du rang, et nous avions déjà travaillé ensemble.
Il m’accueillit par ces mots :
- « Michel, ici c’est une caserne un peu « pantoufle »…on ne sort pas très souvent ; te connaissant, j’espère que tu ne vas pas trop t’ennuyer ! ».
J’étais un peu refroidi, mais j’attendais avec impatience mon premier jour de garde.
Il arriva. Celui qui me secondait dans le fonctionnement de la caserne était le Maître de Service, tout frais émoulu du Brevet Supérieur.
A 8h30, l’alerte générale résonnait :
« Feu d’appartement généralisé ».
Nous rentrions à la caserne à 12h30. Le Maître de Service se précipitait vers moi pour me rendre compte des dispositions qu’il avait prises en mon absence.
Trois minutes après, l’alerte résonnait à nouveau. Rentrés quatre heures après, nous ressortions vers 20h00…et repartions à 1h00 du matin pour revoir la caserne vers 6h00.
L’équipage était conquis ; chaque jour où j’étais de garde, arrivant à la caserne et encore en civil, les jeunes m’accueillaient par :
- « Bonjour Principal ! Avec vous, on va sortir aujourd’hui ! ».
Le « chat noir » continuait son parcours.
J’étais toujours réceptif et attentif aux idées des nouvelles générations, mais je les rappelais vite à l’ordre lorsque, certains, semblaient oublier momentanément les canons régissant notre statut de militaires et marins. Ceci se manifestait plus particulièrement parmi les jeunes B.S., qui se sentaient parfois pousser de petites ailes.
Ceci étant, je les écoutais toujours, en ayant mes arguments pour les désarçonner et leur rappeler intuitivement leur rôle et position.
Ma tactique était assez concise et…sans ambiguïté. En voici quelques étapes.
Je laissais parler l’O.M., gardais quelques secondes de silence, puis lui répondais :
- « Tu as raison, …tu as raison, …mais, on va gagner du temps !...on va faire comme je te dis ! ».
C’était la première semonce, lorsque j’étais de bonne humeur.
Lorsque je l’étais moins, le deuxième coup de semonce se transformait en un autre dialogue.
Moi : - « T’as pas compris ! » ;
L’O.M : - « Si, si, j’ai compris, Principal ! » ;
Moi : - « Non, t’as pas compris ! » ;
L’O.M : - « Si, si, je vous assure, Principal, j’ai compris ! » ;
Moi : - « Mais non, t’as pas compris !...qui c’est le chef ? » ;
L’O.M. : - « Eh bé…eh bé…c’est vous ! » ;
Moi : - « Eh ben, voilà ! t’as compris ! ».
Et lorsque j’étais de très mauvaise humeur et particulièrement quand l'impétrant se révélait un peu "rétif" aux règles militaires et marines, la semonce se transformait en une bordée.
Je précisais ainsi :
- « Ecoute ! Tu as trois solutions :
1, tu démissionnes,
ou
2, tu te suicides,
ou
3, tu fais comme je te dis ; je te conseille la troisième, mais c’est toi qui choisis ! ».
Mais mon « dialogue pédagogique » était assez apprécié et compris parmi ces plus jeunes que moi ; certains m’ont confié :
- « Principal, au moins avec vous, c’est clair et on sait quand on dérape ! ».
Vous voyez bien que mon cours de FORPEDA m’avait laissé des traces inaltérables !
Dernière édition par Mimar13 le Lun 4 Déc 2017 - 17:44, édité 5 fois
Invité- Invité
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
Cela avait le mérite d'être clair !!
JJMM- Permanent
- Messages : 3028
Date d'inscription : 24/03/2017
Age : 75
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
oui...et ils n'avaient pas de surprise avec ma notation.JJMM a écrit:Cela avait le mérite d'être clair !!
Invité- Invité
Patrick le SCOUARNEC- Administrateur - Responsable du foyer
- Messages : 41070
Date d'inscription : 18/05/2010
Age : 78
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
. Cela me rappelle certains instructeurs de l'école des fus lors de mon BE.
jean-paul- Fondateur et Administrateur
- Messages : 29268
Date d'inscription : 17/05/2010
Age : 71
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
Je pensais bien que tu y retrouverais quelques similitudes.Jean-Paul a écrit: . Cela me rappelle certains instructeurs de l'école des fus lors de mon BE.
Invité- Invité
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
Oui mon ami, mais avec quelques dégradations, concernant l'humilité...mais je n'en suis pas mort.
Peut être un jour je rentrerai dans les détails...mais il me semble que je l'ai déjà écris quelque part mais il y a longtemps..
Peut être un jour je rentrerai dans les détails...mais il me semble que je l'ai déjà écris quelque part mais il y a longtemps..
jean-paul- Fondateur et Administrateur
- Messages : 29268
Date d'inscription : 17/05/2010
Age : 71
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
Mon ami, je souhaite vivement que je ne t'ai pas ravivé des souvenirs pénibles ; nous en avons quelques-uns sans doute communs. Si j'ai fais une bévue je le regrette. Ceci n'était que le reflet authentique de ma carrière.Jean-Paul a écrit:Oui mon ami, mais avec quelques dégradations, concernant l'humilité...mais je n'en suis pas mort.
Peut être un jour je rentrerai dans les détails...mais il me semble que je l'ai déjà écris quelque part mais il y a longtemps..
Je te contacte par message personnel.
Bien amicalement.
Michel
Dernière édition par Mimar13 le Lun 4 Déc 2017 - 17:40, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Mon héritage de la "pédagogie" de mes aînés.
Pas de soucis mon bon...tout va bien.
jean-paul- Fondateur et Administrateur
- Messages : 29268
Date d'inscription : 17/05/2010
Age : 71
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