les oublies du "MEKNES"
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les oublies du "MEKNES"
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Journal du 19 mars 2010
Une stèle doit être inaugurée en souvenir des 429 morts
Meknès : Jean Naze raconte le naufrage,
70 ans après
Pour 429 des 1 300 Français rapatriés à bord du Meknès, ce sera le dernier voyage. Ce 24 juillet 1940, vers 23 heures, le bateau est mitraillé puis torpillé au large de Portland par une vedette rapide allemande. Deux Dieppois survivront. Soixante-dix ans après, Jean Naze raconte le naufrage.
Ernestine et Jean Naze dans leur maison de Janval se souviennent
de ce 24 juillet 1940 comme si c’était hier.
« Je me souviens de deux jeunes originaires du Nord de la France et particulièrement inquiets qui m’ont demandé si nous allions arriver. Je leur ai répondu que je ne savais pas, avant de monter sur le pont. Un quart d’heure après, nous étions torpillés et je ne les ai jamais revus ». Jean Naze a 27 ans ce 24 juillet 1940. Sa femme, enceinte, et sa petite fille de trois mois l’attendent à Dieppe. Lorsqu’il a entendu les premiers tirs, vers 23 heures, il n’a eu qu’une réaction, la bonne : « J’ai plongé droit dans l’eau sans me poser de question alors que je ne savais pas nager ». Le jeune homme a de la chance : tout près de lui se trouve une chaloupe avec un ami à bord qui l’aide à embarquer. Alors que la chaloupe se remplit dangereusement de survivants, le Meknès sombre en quelques minutes (voir ci-dessous).
Jean Naze ne devait pourtant pas être à bord : « Mon départ était prévu plus tard mais celui qui devait embarquer ce jour-là était parti à Manchester alors j’ai pris sa place » se souvient Jean Naze, qui, à 94 ans aujourd’hui habite dans un immeuble de Janval.
Les chaloupes bondées autour desquelles des marins tentent encore de s’accrocher attendront toute la nuit, se pensant seules. Pourtant rapidement, d’autres bateaux, alertés, ont fait route vers le lieu du naufrage. Ils ne s’approchent pourtant pas, la mer portant de nombreux cadavres mais aussi des survivants que les capitaines ne veulent pas blesser dans le mouvement des bateaux.
Ce n’est donc qu’au petit jour que les survivants monteront à bord. Certains n’ont pas résisté au froid ou à l’épuisement et sont morts, encore accrochés aux chaloupes. D’autres, engourdis, mourront en montant à bord le long des coques des bateaux venus à leur secours : « Je savais faire un nœud solide, précise Jean Naze. Mais tout le monde ne savait pas. Ainsi, un homme est tombé à pic, dans l’eau, juste devant moi ».
Marin pêcheur réquisitionné
Marin pêcheur, le Dieppois travaillait sur le Nivôse. Au début de la guerre, en 1939, bateau et équipage sont réquisitionnés. Le Nivôse part pour Le Havre et devient dragueur de mines. En mai 1940, les Allemands envahissent la France. Le bateau et son équipage partent alors pour la Bretagne puis pour l’Angleterre où, avec d’autres, ils se mettent à l’abri. Pendant deux mois, l’ensemble de ces marins sont installés dans des camps de fortune en Angleterre jusqu’à la capitulation de la France. Certains acceptent de faire partie des Forces françaises libres et d’autres, qui ne souhaitent pas rester en Grande-Bretagne, peuvent être rapatriés par bateaux qui débarquent à Toulon, port de la zone libre.
Pour son épouse, Ernestine, c’est l’angoisse. Les informations lui arrivent par bribes : « Mon frère fabriquait illégalement de petits postes à galène. C’est là que j’ai appris le torpillage ». Puis elle apprend que son mari était à bord du Meknès. « A deux ou trois heures d’intervalle, deux dames m’ont appelé parce que leur père était sur le bateau » se souvient Ernestine. Fin septembre, la jeune épouse apprendra, enfin, que son mari est vivant et qu’il attend un nouveau bateau pour revenir en France.
Il sera de retour finalement à bord d’un navire-hôpital, le Canada : « Nous étions interceptés tous les trente milles par ceux que nous appelions les « chiens de garde ». En fait, il s’agissait des alliés qui contrôlaient tous les navires » se souvient Jean.
Arrivé à Toulon, le Dieppois traversera la France avant d’arriver devant la porte de la maison de ses beaux-parents. Un grand moment de bonheur pour toute la famille, enfin réunie…
Sandra Beaufils
Anecdotes
• Chien : De souvenir de survivants, un berger allemand serait monté à bord du Meknès en même temps que les 1 300 passagers. Le chien aurait été le premier à se lancer à l’eau pour monter sur un radeau. L’histoire dit qu’il aurait survécu mais aucun document ne le prouve.
• Alliance : Un marin victime du naufrage a été retrouvé sur la plage d’Etretat. Le corps n’a pas pu être identifié. L’homme ne portait qu’une alliance portant la date du 24 octobre 1929 et l’inscription L. P. à J. G. Les membres de l’association Les oubliés du Meknès poursuivent leurs investigations pour tenter d’identifier ce marin.
• Bravoure : L’histoire raconte aussi l’acte courageux d’un homme, gros industriel dans le Nord de la France qui a laissé sa place à plusieurs marins, dans une chaloupe et est mort, accroché à l’une d’entre elles.
• Derniers adieux : Dans les souvenirs de Jean Naze remontent les paroles de ce « petit jeune, malade, qui a dit à son ami : « Tu embrasseras bien ma femme et mon fils pour moi. Je vais mourir » et il s’est laissé aller… »
• Repris : Le corps d’un des naufragés arrivé sur la plage de Varengeville a été identifié. Mais le temps de trouver le matériel nécessaire pour remonter le cadavre, la mer est montée, reprenant le marin dans ses vagues.
• Naissance : Pendant des semaines, la mer a rejeté des corps sur les côtes normandes. Et parfois, le hasard s’es est étonnamment mêlé : comme ce marin, né à Fécamp, et dont le corps a été ramené sur la plage de Fécamp.
Funeste 24 juillet 1940
Le 24 juillet 1940, le Meknès traverse la Manche avec, à son bord, plus de 1 300 officiers, officiers mariniers et marins français. Les hommes sont rapatriés en France suite à la capitulation.
Pour 429 de ces Français ravis de retrouver leur famille, ce sera le dernier voyage : vers 23 heures, au large de Portland, le bateau est mitraillé puis torpillé par une vedette allemande S-27.
L’histoire est méconnue, c’est pourtant la première dramatique erreur de l’occupant allemand : « Le bateau portait les drapeaux, était éclairé et donc parfaitement identifiable » indique David Raillot. L’historien local s’est penché sur cet événement avant de fonder, avec les familles des naufragés, l’association Les oubliés du Meknès. Une association qui n’a qu’un but : ne pas oublier cet événement dramatique. Une malheureuse série d’erreurs semble à l’origine du naufrage. D’abord, un problème de communication serait à l’origine de l’erreur. Les Allemands n’auraient pas été prévenus de cette traversée. Et le capitaine de la navette allemande a fait fi des éclairages et des drapeaux pourtant pacifiques. La seconde aura été d’envoyer vers la France un paquebot chargé de tant de passagers. Les voyages suivant en porteront la marque : à bord, ils seront bien moins nombreux.
Lancé aux chantiers de Grand-Quevilly le 20 mai 1913 sous le nom de Puerto-Rico, le Meknès est un ancien paquebot de la compagnie générale transatlantique. En 1932, il est rebaptisé et assure la ligne Bordeaux-Casablanca. En 1936, il fait trois voyages entre Le Havre et la mer Baltique. Il est réquisitionné le 20 novembre 1939. Le 18 juin, lors de l’appel du général de Gaulle, des dizaines de soldats embarquent à son bord pour rejoindre l’Angleterre.
Une souscription pour le mémorial
Pour commémorer ce drame et surtout les 429 victimes du naufrage, un mémorial doit être bâti sur la plage, entre Berneval et Saint-Martin-en-Campagne. Un funeste point central : les corps des naufragés ont été principalement retrouvés sur toutes les plages entre Le Havre et Mers-les-Bains. « Chaque famille a mis une plaque dans les églises et les noms sont disséminés sur les différents monuments aux Morts de France mais il n’y avait aucune stèle commune pour rassembler les noms » explique David Raillot.
L’historien est membre de l’association Les oubliés du Meknès, une association créée en 1992 pour conserver la mémoire de cet événement. Et pour être totalement franc, c’est d’abord l’intérêt historique du naufrage qui a intéressé le Dieppois « mais ça va maintenant bien au-delà » assure David Raillot. Et pour cause : aujourd’hui, grâce au site Internet, il est contacté de partout en France et même de l’étranger : dans les familles des 1 300 passagers de l’époque, le naufrage est un événement particulier qui n’a parfois jamais été raconté : « Une dame m’a écrit un jour qu’elle n’avait que deux ans lorsque son père est mort à bord. Sa mère s’était remariée et elle n’a appris qu’à sa mort que l’homme qu’elle avait appelé papa n’était pas son père ». Le naufrage entre ainsi dans la construction de toute la vie de cette petite fille qui, devenue adulte n’a cherché qu’une chose : en savoir plus sur ce naufrage.
Même investissement pour le président de l’association, Roland Delaval, fils de Louis, disparu a bord du Meknès : « Son père n’a jamais été retrouvé. Roland Delaval l’a cherché dans les cimetières de toutes les plages qui ont reçu des corps ».
Près de 250 familles ont déjà promis d’être présentes lors de l’inauguration de la seule stèle commune à l’événement : elle comportera les 420 noms des personnes mortes ou disparues ainsi qu’un petit paragraphe expliquant ce naufrage du 24 juillet 1940. Au sol, 420 galets venus des plages ayant reçu des corps rappelleront l’événement. L’inauguration est prévue samedi 24 juillet à 14 h 30.
BRAI Alain- Permanent
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Re: les oublies du "MEKNES"
une fois de plus j apprends quelque chose
latrube-jc- Permanent
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BRAI Alain- Permanent
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Re: les oublies du "MEKNES"
merci BRAI
latrube-jc- Permanent
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Date d'inscription : 18/05/2010
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Re: les oublies du "MEKNES"
sympa d'avoir rappelé cet évènement, dont je dois l'avouer je ne connaissais pas l'existence.
jean-paul- Fondateur et Administrateur
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Re: les oublies du "MEKNES"
MEKNES ce nom n'a pas l'air de porter chance car il évoque aussi de tristes souvenirs à Muru
collo- Sur le bord
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BRAI Alain- Permanent
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BRAI Alain- Permanent
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BRAI Alain- Permanent
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