Madame la Ministre des armées ADIEU AUX ARMES DE L'AMIRAL PRAZUCK C E M

Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le chef d’état-major des armées,
Monsieur le délégué général pour l’armement,
Monsieur le chef d’état-major de la marine,
Amiral, Monsieur le préfet maritime, Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres et matelots, personnel civil du porte-avions Charles de Gaulle et de la Marine nationale,
Amiral Christophe Prazuck,
L’amour de la France. L’enthousiasme de l’aventure. Le danger de la tempête. L’inébranlable esprit d’équipage. Les mystères de la mer. Le sel de la vie. Et à perte de vue, l’immensité.
Ce sont autant de bonheurs que vous avez connus, ce sont autant d’épreuves que vous avez traversées au cours de ces 41 années passées au service de notre pays. Plus de quatre décennies d’un engagement puissant et passionné pour la France, que vous avez servie de toutes vos forces et de toute votre âme de marin.
Amiral, vous êtes le fils d’un officier de Marine, né de l’autre côté de la Méditerranée. Votre famille et votre esprit de contradiction vous ont porté vers le large, avec cet amour des flots. Enfant, rêviez-vous déjà un jour de parcourir le monde ? Vous êtes le seul à le savoir.
Ce que je sais en revanche, c’est que vous avez pris votre destin à bras le corps. Vous vous êtes emparé des combats et les avez menés avec conviction, franchise, et courage. Vous avez gravi les échelons, un à un, depuis votre entrée à l’Ecole navale en 1979.
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Jeune enseigne de vaisseau, après avoir découvert la vie en équipage en océan Indien, cet océan si cher à votre coeur et pas seulement pour les raisons géopolitiques qui vous portent et vous passionnent, vous choisissez le mystère des abysses.
L’apparent calme des profondeur sous-marines, l’esprit de camaraderie, la puissance de l’arme sous-marine et son histoire, fruit d’un effort patient et constant de notre pays, vous fascinent. Vous en garderez un amour profond, et une considération immense pour les sous-mariniers qui consentent à un quotidien hors du commun dans les abîmes du silence, tout comme pour leurs familles, souvent confrontées à ce silence. C’est sûrement ce qui vous a poussé à m’écrire en décembre 2018 pour demander la reprise des recherches de la Minerve. Encore aujourd’hui, je vous en remercie. Nous avons vécu ces recherches avec espoir, conscients du risque d’essuyer une déception. Et nous avons partagé cette émouvante retrouvaille entre des familles éprouvées par des décennies de questions et la sépulture où reposent les leurs.
Tout au long de votre brillante carrière, du département d’océanographie physique aux Etats-Unis aux arcanes de la communication du ministère puis d’ALFUSCO, vous n’aurez de cesse d’être attentif au « trésor humain ». C’est ainsi que vous considérez les hommes et les femmes qui vous entourent. Des trésors humains.
Durant ces quatre années à la tête de notre belle Marine, vous avez cultivé des liens très forts avec les marins. Dans toutes les situations, vous adressant toujours directement à eux, vous avez écouté leurs craintes, rassuré leur esprit, assuré leur avenir. C’est à cela qu’on reconnaît la valeur des plus grands chefs : à l’amour et à l’admiration qu’ils ont pour les hommes et les femmes qu’ils commandent.
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C’est déjà cet attachement à tout votre équipage, notamment aux marins de l’ombre, qui vous avait poussé à créer la cellule de suivi des familles et des marins blessés en opérations lorsque vous commandiez la force des fusiliers marins et commandos à Lorient. Nous connaissons tous aujourd’hui le succès et la nécessité de cette cellule. Notamment dans les situations les plus difficiles, que vous avez malheureusement connues. Ces morts au combat, ces blessés graves, leurs familles, que vous portez particulièrement dans votre coeur.
Amiral, parler de vous, c’est parler d’authenticité, de passion, de la parfaite maîtrise de la communication opérationnelle comme du souffle des embruns.
C’est aussi parler d’innovation et de vision : vous avez porté avec beaucoup de vigueur et de conviction le Plan Mercator pour bâtir la Marine de demain, à l’unisson avec la loi de programmation militaire pour mettre la marine en ordre de marche et assumer ses renouvellements capacitaires majeurs dans tous les domaines.
Amiral Christophe Prazuck,
Marboeuf disait « Et la mer et l’amour, ont l’amer pour partage. » J’espère qu’aujourd’hui, pas un soupçon d’amertume ne vous étreint. Peut-être une pointe de mélancolie, submergée de fierté. Car je vous dis aujourd’hui toute la reconnaissance et toute la fierté de la France de vous avoir compté parmi ses plus grands serviteurs. Vous quittez le service actif en ayant développé une marine de combat, en pointe, capable de tenir la mer comme très peu de marines au monde savent le faire. Vous faites partie de ces rares personnes dont on peut dire qu’elles ont un peu changé le visage de nos armées, et ceci, pour le meilleur.
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Enfin, je sais que vous connaissez et aimez, comme moi, ces mots de Jean Jaurès à la jeunesse en 1903. Ils sont comme écrits à votre propos : « Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. »
Que ces mots soient notre au revoir et nos remerciements. Et sur ce magnifique porte-avions qui, comme vous, fait la fierté de nos armées, de la Marine nationale et la fierté de notre pays, je vous souhaite bon vent, et bonne mer !